
Encore une campagne de déréférencement en cours sur la plateforme EDOF, des certifications en langues de plus en plus contraignantes en terme d’équipement… ça bouge encore pas mal en ce moment pour ceux qui ont fait le choix de rendre leur offre de formation finançable via le CPF.
Et si les évolutions en cours étaient simplement la conséquence des arnaques au CPF que nous avons vu exploser ces 2 dernières années ?
Je te propose de faire un peu de rétro-engineering pour comprendre comment ces arnaques ont pu être montées, et pourquoi les évolutions actuelles sont bien une réponse directe…
… qui a leur tour donneront potentiellement lieu à de nouveaux business juteux de contournement !
(NB : sans dénigrer les business légitimes bien sur, l’accompagnement sert à aller plus vite et éviter les pièges et les erreurs. Je pense d’ailleurs personnellement qu’il y a une activité d’audit légitime à envisager dans le cadre du paragraphe 3b)
Manuel de l’arnaqueur au CPF
Il y a une chose qu’il ne faut pas oublier : les arnaques au CPF – tout comme le harcèlement téléphonique – ont été perpétrer par des organismes de formation qui étaient effectivement enregistrés sur la plateforme EDOF. C’est-à-dire des organismes de formation qui avaient construits de vrais dossiers d’enregistrement auprès de l’administration et montré patte blanche avant de mettre des offres disponible sur Mon compte Formation.
Il y a 3 étapes à passer pour pouvoir proposer son offre sur la plateforme EDOF et donc la rendre fiançante par le CPF :
- Etre un organisme de formation
- Etre certifié Qualiopi
- Proposer une formation certifiante ou une formation qui s’inscrit dans le cadre des compétences nécessaires à la création d’une entreprise
Voyons comment passer toutes ces étapes sans donner la moindre formation (mais en la facturant quand même, bien entendu…)
1/ Etre un organisme de formation
Cout de l’opération : 0€ / ROI : Immédiat / Travail personnel : 1h30 / Délai d’attente pour l’instruction du dossier : 2 mois
Toute personne réalisant des actions de formation professionnelle doit faire une demande d’enregistrement auprès de la DREETS. C’est une démarche gratuite, il suffit de présenter :
- Une preuve de l’existence légale de l’entreprise
- Un extrait de casier judiciaire sans interdiction d’exercer le rôle de responsable d’un OF
- Un programme de formation
- Un CV
L’évaluation de la DREETS porte sur 2 points principaux
- Le programme de formation entre-t-il bien dans le cadre de la formation professionnelle ?
- Le CV montre-t-il bien une adéquation entre le formateur et le domaine d’intervention, notamment une expérience d’au moins 3 ans dans le domaine en question (Par exemple, si je monte un centre de formation sur la base d’un programme de management, est-ce que j’ai bien 3 ans d’expérience minimum dans le management)
C’est carrément facile, il suffit d’être soigneux dans la rédaction de son programme et de son CV pour assurer la cohérence.
En revanche il ne faut pas se tromper. La DREETS peut demander un complément d’information, mais peut aussi décider de rejeter la demande.
On voit beaucoup de cas en ce moment de refus parce que le domaine d’intervention ne relève pas de la formation professionnelle continue selon les critères de la DREETS.
Dans ce cas-là, il s’agit d’une décision administrative, et les éventuels recours doivent être fait auprès du préfet. C’est pas gagné…

Idée pour une nouvelle activité juteuse : vendre des dossiers types d’enregistrement à la DREETS pour ceux qui ont besoin d’un NDA mais pas de vraies formations derrière
2/ Etre certifié Qualiopi
Cout de l’opération : 1500€ HT de certification + 1500€ HT « d’accompagnement » / ROI : 10 formations à 300€ pièce – 3 formations à 1000€ pièce / Travail personnel : 7h pour l’audit puis 1h30 par dossier de formation / Délai d’attente pour l’instruction du dossier : 15 jours à 1 mois
La mise en place de Qualiopi a été un vrai frein pour de nombreux organismes de formation, mais finalement ce sont 40.000 OF qui sont certifiés, et la majorité sont des formateurs indépendants.
Ça a l’air compliqué et extrêmement chronophage, mais des business complets ont vu le jour pour te permettre d’être certifié sans rien faire de ton côté.
Tu paie et tu reçois une clé USB avec tous les documents à mettre en place pour ta certification, tu n’as plus qu’à mettre ton logo et remplir les templates sur une ou deux formations.
Sérieusement, si j’avais accepté de jouer ce jeu à chaque fois qu’on m’a demandé une « mallette » Qualiopi pour 1.500€, je pourrais m’acheter une Tesla !

Mais attention, ça se voit pendant l’audit de certification, et si l’auditeur est un peu sérieux, il y a un risque de se faire attraper.
D’abord, il y a la cohérence entre le BPF et le nombre de formations réalisées. C’est des maths, il suffit de donner un nombre de formations cohérent avec le CA déclaré – mais il semblerait que tout le monde ne soit pas à l’aise avec les divisions…
Même si les chiffres sont cohérents, pendant l’audit, on peut identifier de vrais problèmes quand on se penche sur le sujet de l’évaluation. Si les formations ne sont pas réelles, ou pas bien construites, il est rare de voir des évaluations pertinentes.
En 2 ans d’audit de certification, j’ai connu un seul cas où, clairement, « ça ne collait pas »… C’est quand on m’a présenté des feuilles d’évaluation complétées alors que la formation avait lieu la semaine suivante que j’ai pu confirmer mon impression et enregistrer une non conformité majeure.
Quelqu’un qui remplit des documents sans les comprendre, ça se voit. Ce n’est pas la même chose qu’un audité qui a vraiment travaillé ses process et fait une erreur de compréhension ou sous-évalué l’importance d’un point du référentiel.
Souvent, l’interlocuteur devient agressif et répond que « [il a] bien rempli tous les documents, alors pourquoi [je] ne valide pas ? »

Idée pour une nouvelle activité juteuse : Devenir responsable qualité externe pour des OF et vendre des prestations de remplissage de papier – facturation au pro rata du CA déclaré dans le BPF bien sur ! Il faut que tout cela soit cohérent.
3a / Proposer ses formations dans le cadre de la création d’entreprise
Cout de l’opération : 0€ / ROI : Immédiat / Travail personnel : 1h par formation proposée + 30 min par nouvelle session / Délai d’attente pour l’instruction du dossier : immédiat
On arrive sur un sujet sensible, et je crois que beaucoup des OF déréférencés en début d’année étaient de bonne foi et s’inscrivaient dans une volonté d’aide à la création – et n’avaient pas lu toute les conditions d’éligibilité…
Mais pas tous.
Proposer ses formations dans le cadre de la création d’entreprise, ça prenait littéralement moins d’une heure, et la seule exigence, c’était de cocher l’acceptation des conditions d’utilisation de la plateforme EDOF. Quand on est en train de construire une arnaque, c’est pas la case à cocher qui va nous arrêter !
Fin 2021, il est apparu que ce type de formations était la tête de Pareto en terme de financement. D’où enquête. Et plan d’action. Et déréférencements.
Maintenant, il faut montrer patte blanche pour rentrer sur la plateforme, avec notamment :
- Une session d’information obligatoire : il ne sera pas possible de dire qu’on ne savait pas, qu’on n’a pas fait exprès.
- L’envoi préalable du catalogue des formations proposées. Ainsi, soit tu as un partenariat avec un certificateur que tu peux justifier, soit tu prévois de te positionner sur la création d’entreprise, et il va falloir le justifier.
C’est fini l’open bar !

Idée pour une nouvelle activité juteuse : Construire une certification « bullet proof » et la déposer pour ensuite vendre l’affiliation des nouveaux OF à prix d’or au moment de leur inscription sur EDOF
NB : ça va être un sacré investissement de temps, mais le ROI peut être très bon…
3b / S’associer pour proposer une formation certifiante – exemple des formations en langues
Cout de l’opération : à partir de 60€ HT par dossier pour les langues, de 250€ HT à 1500€ HT dans les autres secteurs / ROI : Immédiat – les couts de certification sont inclus dans le cout global de la formation / Travail personnel : moins de 10 min par stagiaire / Délai d’attente pour l’instruction du dossier : à partir de 15 jours
Parce que s’associer pour proposer une certification certifiante va devenir la méthode la plus simple pour se faire enregistrer sur EDOF.
Sur ce sujet, les formateurs en langue sont en première ligne.
- Ces formations, notamment en anglais, sont maintenant la tête de Pareto de l’utilisation du CPF, que ce soit en CA ou en nombre de dossiers (et on ne peut pas vraiment dire que le niveau d’anglais global s’améliore… d’où peut-être l’arrêt des financements pour les niveaux A1…)
- Beaucoup d’arnaques ont été montées sur la base de ces certifications en langues, des OF proposant par exemple la certification en anglais sans même avoir de contrat (ni de contact !) avec le certificateur

Les choses ont changé depuis janvier, puisque nous devons maintenant apparaitre dans la liste de OF partenaires d’un certificateur pour pouvoir enregistrer nos offres sur EDOF.
Et ce sont les certificateurs qui sont challengés sur la qualité de leurs partenaires, en assurant notamment qu’ils respectent bien les conditions d’utilisation de la plateforme.
On voit aussi que les conditions de passage de la certification font l’objet de nouvelles exigences : fini les test de langue en autonomie, le candidat doit être surveillé.
Les certificateurs doivent montrer un nouveau niveau d’exigence pour voir leur certification renouvelée dans le cadre du financement CPF.
C’est un début, mais ça ne suffira pas.
Je pense que dans les mois qui viennent, les certificateurs vont devoir se pencher sur les taux de réussite à la certification, et identifier les OF qui ne sont pas au niveau de préparation attendu.
Je vois aussi que les certificateurs les plus sérieux avec qui je travaille construire de vrais référentiels d’évaluation de leurs partenaires – et oui, c’est encore une fois l’évaluation qui révèle le pot aux roses quand les choses ne sont pas carrées… Il y a donc un besoin d’accompagnement légitime auprès des certificateurs pour mettre en place et animer ces évaluations.
Mais là encore, on doit pouvoir aider les organismes de formation à contourner…

Idée pour une nouvelle activité juteuse : Identifier les certificateurs qui donnent l’autonomie totale pour l’examen de certification, préparer les dossiers de partenariats en fonction de leurs attentes et devenir homme de paille pendant les contrôles
Conclusion
On se plaint beaucoup des évolutions de l’accès à EDOF… il y a les déréférencements, la nouvelle procédure d’admission à la plateforme… Mais il ne faut pas oublier que tout cela est la conséquence des mauvaises utilisations – et des utilisations frauduleuses – des derniers mois.
Lorsque l’on est braqué, il est normal de réagir et d’ajuster les procédures.
Passer une partie de la régulation sous la responsabilité des certificateurs va certainement aider.
Mais ne soyons pas naïfs… il reste de belles pistes pour continuer à profiter du système !
Des portes ouvertes qu’il faudra fermer… avec surement encore plus de procédures et de contrôle.
Le monde de la formation est finalement très proche du monde des supermarchés : ce sont les clients honnêtes qui paient pour la fauche.
NB : pour les chiffres, notamment les têtes de Pareto, se référer au data en open source de la Caisse des Dépôts